Les quartiers sud, un territoire en mutation
L’étude intitulée « Les quartiers Sud » a été publiée en 1972 par la SERH, ancêtre de l’AURH. C’est la première étude qui se penche sur ce territoire dont la caractéristique principale est une forte mixité entre habitat et industrie.
« Le quartier se caractérise par le poids très considérable de grandes propriétés privées et des emprises publiques à caractère économique, et par le caractère hétérogène et dispersé du tissu urbain. »
L’étude mentionne clairement que ce territoire, qui regroupe les quartiers de Saint-Nicolas, Arcole Brindeau, La Vallée, Champs Barrets, Cité Chauvin et Les Neiges, occupe « une place et des fonctions très particulières dans la ville. »
Alors que le quartier a récemment connu de profondes mutations et qu’il s’apprête à accueillir une nouvelle ligne de tramway, il nous a semblé intéressant de proposer un voyage dans le passé pour mesurer l’étendue du chemin parcouru.
Un quartier urbanisé progressivement, au gré des besoins
L’étude propose d’emblée un éclairage historique sur le contexte de création du quartier, qui repose sur des terrains alluviaux semi-aquatiques (marais) dominant l’estuaire, aménagés à partir du 12ème siècle. Le territoire ne faisait alors pas partie du Havre.
« Un village pourtant : St Nicolas de Leure, qui eut son heure de gloire en tant qu’avant-port d’Harfleur, sinon en port indépendant, au 12e et 13e siècles principalement. »
« Malgré cette antériorité, dans l’occupation par l’homme, sur le Havre, cette partie orientale de la plaine alluviale, la plaine de Leure, resta hors du mouvement d’urbanisation et du progrès économique jusqu’à la moitié du 19ème siècle. »
L’installation des entreprises s’est accélérée au 19ème siècle car la ville, arrivée à saturation sous la pression économique et démographique, ne pouvait plus les accueillir, faute d’espace disponible. Les regards se sont alors tournés vers l’est, où l’espace disponible offrait la possibilité d’implanter de nouvelles usines. Leure a donc été annexé en 1852, en même temps que Graville.
« C’est entre 1875 et 1914 surtout que la plaine de l’Eure s’urbanisera. A chaque nouvelle implantation industrielle correspondit son lot d’immeubles […] Cette urbanisation « au coup par coup » uniquement à l’initiative des chefs d’industrie, sans autre but que de loger à proximité de leurs usines les ouvriers dont ils avaient besoin, est à l’origine de l’enchevêtrement industrie-habitat qui caractérise la zone sud. »
Quelle mutation pour les Quartiers sud ?
« Ces quartiers Sud sont pour le moment la véritable force vive du Havre avec ses grandes unités industrielles et ses dockers, mais aussi une zone d’habitat appréciée en raison des traditions qui s’y rattachent et de la proximité des lieux d’emplois. »
En plus de proposer une vision globale des enjeux de ce territoire, l'étude analyse l’évolution entre 1962 à 1968 :
- De l’activité économique ;
- Des caractéristiques de la population ;
- Du parc de logements.
L’AURH observe ainsi qu’« en 1968, ce sont 46% des emplois industriels, 24% des emplois du bâtiment et des travaux publics, et 20% des emplois du commerce de gros havrais, qui sont concentrés dans les quartiers sud. »
Elle propose également une analyse plus fine par quartier. On y retrouve des données sur le nombre et le type de logements, la population, l’indice de vieillissement, le pourcentage d’ouvriers, la densité résidentielle, etc.
L’étude énonce des tendances prévisibles pour le quartier sur le plan économique : arrêt de certaines branches et glissement géographique des activités portuaires vers l’est et le sud de la ville, un remplacement progressif de l’industrie par des activités de service et de l’habitat.
« On estime à environ 40 hectares les surfaces aujourd’hui affectées à des activités industrielles et commerciales qui devraient changer d’affectation d’ici 15 ans en raison des mutations économiques prévisibles ; et à 40 hectares les surfaces disponibles aujourd’hui. »
L’hypothèse formulée en 1972 s’est confirmée, avec une évolution progressive du paysage, au gré de la réhabilitation des friches industrielles.
Quelle a été l’évolution des différents potentiels identifiés dans l’étude ?
En 1972, l’AURH identifiait plusieurs sites susceptibles de muter dans le futur.
Sur cette carte, en lien avec une prévision de l’arrêt des activités d’entreposage, le site des « magasins publics » est identifié comme un potentiel foncier. Il est en effet devenu en 2009 le centre commercial des Docks Vauban.
Les Docks Dombasle
Créés en 1854, les Docks Dombasle abritaient alors les abattoirs. Ils seront abandonnés 40 ans plus tard lors du transfert de ces activités dans le quartier des Neiges. Ces témoins du passé industriel situés Quai de la Saône, bordent le jardin fluvial. Ils ont été reconvertis et restructurés entre 2007 et 2010 pour devenir un hôtel d’entreprises et un programme de 25 logements.
Vallée Béreult : un site, plusieurs évolutions dans le temps
Dans le quartier, la Cité surnommée « Chicago », constituée de 432 logements, fut construite en 1974 Érigées dans les années 1970, après la publication de l’étude. La décision de détruire l’ensemble de logements « Graville-La Vallée » fut prise en 2015. La destruction effective des 6 tours a eu lieu en février 2021. Bientôt, un nouveau parc paysager avec trois terrains de football y prendra place.
Comme l’AURH l’avait écrit en 1972, l’entreprise Saverglass / Tourres et Cie n’a pas changé d’emplacement et a continué de se développer :
« Seules se développent les Verreries Tourrès, qui vont s’étendre de l’autre côté de la rue A.Tourrès sur un terrain récemment acquis. »
Depuis 1972, on constate donc que de nombreux bâtiments ont disparu ou ont été réhabilités pour accueillir de nouvelles entreprises.
Plusieurs autres bâtiments industriels ont été reconvertis, tels que les Docks Café et les Docks Océane.
Au-delà des sites à enjeu identifiés dans l'étude, de nouvelles constructions ont aussi vu le jour : des programmes de logement, dont plusieurs à destination des étudiants, l’Hôtel d’entreprises Veelage, la piscine Les bains des docks ou le Carré des Docks.
Le campus universitaire havrais s’est largement développé, notamment dans les Quartiers sud : IUT, ISEL, Cité Numérique, Sciences Po, ENSM, EMN …
Une mixité qui se décline au niveau des modes de transport
Sur la carte visible ci-après, on remarque une mixité forte des types de transports qui maillaient le territoire des Quartiers sud.
« Amiral Mouchez / Jules Durand, grand boulevard industriel et desserte ferroviaire d’est en ouest
La rue Marceau, axe nord-sud qui lie la ville au port
Le Boulevard de Graville, second axe nord-sud
La quasi-totalité des quartiers sud-est, de plus, desservie par la voie ferrée
Une part importante des terrains dispose d’une desserte fluviale et maritime. »
Depuis, la passerelle Raoul Duval a été créée et de nombreuses pistes cyclables sont venues s’ajouter, venant lier les Quartiers sud au reste de la ville. Il en sera de même avec l’extension de la ligne de tramway, qui reliera en 2027 le centre-ville aux quartiers sud jusqu’à Vallée Béreult.
L’évolution des quartiers Sud entre en complète résonance avec les réflexions de l’époque.
« L’étendue de ce secteur urbain, sa position stratégique à proximité du centre actuel et face à la rive gauche de la Seine, en font un secteur clé pour le développement du Havre de demain. »
À l’échelle de l’ensemble des quartiers sud, des transformations importantes ont donc eu lieu ces 15 dernières années, apportant une amélioration du cadre de vie, tant pour les habitants des quartiers que pour les actifs venant y travailler quotidiennement. L’image des quartiers sud et leur attractivité s’en sont trouvé renforcées.
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