Un concours d’idées pour faire évoluer le centre du Havre
L’étude intitulée « Le Havre : Idées pour l’évolution du centre » a été publiée en novembre 1969 par la SERH, ancêtre de l’AURH. Elle débute par le constat que le centre du Havre, est « introuvable, écartelé entre 4 pôles principaux. » Le document explore différentes perspectives pour faire émerger un véritable centre-ville au Havre.
Le « centre » du Havre, sept quartiers aux caractéristiques très différentes
Le Havre compte en 1969 deux noyaux commerciaux principaux, qui sont l’Hôtel de Ville et le Rond-Point. La ville rencontre alors une problématique de morcellement et de dilution du centre.
« Pour sortir de cette impasse, il ne restait plus qu’un seul moyen, faire appel à l'imagination. »
Un appel à idées a alors été engagé, permettant de recueillir des esquisses de projets. Ces dernières ont été étudiées et plusieurs de ces propositions figurent dans le document.
Le document prévoit un plan d’action en deux phases :
L’étape 1, de 1970 à 1980, vise à densifier les activités du centre actuel (Hôtel de Ville, place Thiers) et l’agrandir vers l’est, secteur jules Lecesne - Anatole France.
L’étape 2, après 1980, consiste à continuer d’agrandir en direction de l’est, avec la rénovation du quartier Danton-prison et du secteur de la gare, dont le remodelage est entrepris.
L’étude effectue ensuite la synthèse des recherches et propositions, afin de définir une politique d’aménagement du centre prenant en compte les différents paramètres liés à l’économie, l’habitat et l’emploi.
L’objectif final est d’obtenir « un centre vivant et attractif » , via une « transformation [qui] devrait s'opérér par touches succcessives » pour « dessiner un centre futur harmonieux et cohérent. » Ce faisant, un lien entre l’Hôtel de ville et la gare se tisserait progressivement.
agrémenter les rues et les espaces publics, densifier le commerce
Le secteur Thiers-Coty est l’un des îlots étudiés. Il fait l’objet de nombreuses attentes, du fait de son potentiel et de sa situation stratégique.
Parmi les projets proposés, on trouve la création d’un « mail » (espace) piétonnier, certes différent, mais à l’exact emplacement de ce qui deviendra l’espace Coty en 2001. L’AURH a d’ailleurs accompagné la Ville du Havre dans la concrétisation de ce projet. Elle a travaillé sur le sujet de 1985 à 1996.
Autre secteur investi, le quartier Danton-prison et le secteur de la gare, dont le remodelage est entrepris. L’étude suggère en effet de continuer à agrandir, durant les années 1980, le centre-ville en direction de l’est.
On y relève la volonté de construire « un centre comportant des éléments universitaires, des commerces et des équipements de loisirs. » Pour ce faire, la présence dans le quartier de « réserves foncières permettant des implantations d'équipements publics divers » est un atout.
Une mutation complète s’est opérée depuis dans ce secteur, avec l’apparition de l’université en 1984, du onservatoire en 2002, et l’implantation de la bibliothèque universitaire en 2004 à la place de l'ancien Palais des Expositions.
SculpteR l'espace pour révéler la silhouette de la ville
Les propositions figurant dans l’étude investissent différents champs de l’aménagement, parmi lesquels la piétonnisation, la circulation, la densification de l’espace ainsi que la notion de paysage.
Selon l’étude, « La mer, les bassins, les quais, marquent la personnalité de la ville. » « L'avenue Foch, les bassins, les places, l'Hôtel de Ville et la Centrale thermique sont [en 1969] autant de symboles qui marquent la physionomie de la ville. »
Mais le centre-ville manque de relief, ce qui nuit à sa visibilité à l’échelle monumentale, qui propose une vision d’ensemble.
L’un des objectifs de l’étude est de « remédier à la platitude du centre en donnant du relief à la ville basse », afin que la silhouette du Havre change.
« Le paysage, le site propre de la ville et l'activité portuaire doivent être pressentis de l'intérieur du centre, donc : importance des vues sur le centre depuis la côte.»
« L'activité du port habille la silhouette de la ville, [...] l'estuaie de la Seine et la mer constituant la toile de fond du Havre.»
Outre l’ajout d’éléments architecturaux forts, l’étude suggère de construire des tours et des constructions qui « expriment architecturalement un centre-ville. » L’une des propositions consiste à redéfinir la silhouette globale de la ville avec la nécessité de faire apparaître le centre-ville depuis « la côte », par un jeu de tours, la différence de hauteur marquant d’elle-même les limites du centre.
Ce projet fait écho aux travaux de l’AURH sur les silhouettes du Havre. En 2022-2023, L’AURH a étudié le visage de la ville, comment celle-ci se transforme au fil du temps, et l’image qu’elle renvoie à celui qui l’habite ou la visite.
C’est ce qui est proposé pour la place Gambetta, rebaptisée place du Général de Gaulle en 1970. Ce vaste espace laissé vacant après la seconde guerre mondiale, fait l’objet de plusieurs propositions. Sa situation est idéale, à mi-chemin entre le port et la plage, proche des bassins historiques. « Un espace inachevé, en attente à un endroit privilégié en plein coeur du Havre. »
Le Volcan, qui sortira de terre en 1982, correspondra à ce besoin de « bâtiment à l'architecture exceptionnelle », qu’exprime l’AURH dans ses croquis.
Autre idée, avec ce croquis qui propose « Un traitement architectural de qualité, par l'implantation d'un bâtiment tour, [qui] créerait un point d'intérêt visuel, attirant le piéton vers les quais du bassin du Roy et le port. » C’est quasiment à cet endroit que la Tour Alta a été érigée. L’idée de guider le piéton vers le quai résonne là aussi.
LA piétonNisation, un angle de travail majeur de l'étude
En 1969, l’échelle domestique, celle du piéton, est peu présente au Havre ; L’étude entend la renforcer par un travail des perspectives et l’implantation d’éléments ponctuant le parcours du piéton. Ces ajouts encourageraient le piéton à se diriger vers les lieux forts du centre, tout en créant du lien entre les différents quartiers.
Le projet ci-dessus propose un traitement architectural de l’espace du piéton, avec la disposition de sculptures dans la rue, « la lumière mettant merveilleusement en valeur les silhouettes. » Cette proposition fait tout de suite écho avec l’apparition de sculptures dans la ville, le long de l’avenue Foch et plus récemment en 2017 pour les 500 ans du Havre, puis chaque année lors du festival « Un été au Havre ».
La question des cheminements piétons occupe également une part importante de l’étude. En effet, il est indiqué que la circulation doit être retravaillée en fonction des pôles d’attraction et en fonction des cheminements piétons.
« Les distances sont trop grandes, l'échelle piéton n'est pas sensible, à l'exception de la place Perret et du Printemps. »
À l’époque du tout voiture, il était plutôt osé de parler de piétonnisation. Plusieurs propositions sont faites pour les rues Jules Lecesne, rue Fontenelle et Place du vieux marché.
« La rue Jules Lecesne réservée entièrement aux piétons devient de ce fait un lieu privilégié d"implantation de commerces et de services. »
A l’instar de la piétonnisation, la vision du stationnement est ambitieuse et novatrice. Elle est totalement repensée et on propose d’opter pour des parkings en sous-sol ou en silo.
On remarque dans cette étude une ambition marquée de remédier au phénomène de « dilution » du centre par touches successives, en investissant plusieurs lieux, mais aussi plusieurs champs de l’aménagement urbain (commerce, équipement, loisirs, circulation et transports). Les approches et les idées de 1969 sont innovantes et ont une résonnance forte avec celles d’aujourd’hui.
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